Libération de la capitale Hanoï
d'une ville de consommation à une ville de production
Avant 1945, la ville de Hanoï – capitale de l'Indochine française, ne comptait que moins de 10 grandes usines dont les propriétaires étaient français et vietnamiens. On peut citer, entre autres, la centrale électrique de Yen Phu, une usine de bière et de vin, une usine de textile, une usine de briques et de tuiles, une usine de tannage du cuir, ou encore l’usine ferroviaire de Gia Lam. À cette époque-là, Hanoï était considérée comme une ville de consommation.
En décembre 1946, les colonialistes français ont repris Hanoï et les provinces du nord. Pourtant, les capitalistes français prédisaient que tôt ou tard, le gouvernement français échouerait et devrait quitter le Vietnam, ils n'ont donc pas investi dans la construction de nouvelles usines. Certains d’entre eux ont décidé de vendre leurs usines à des bourgeois vietnamiens.
Et le jour où les colonialistes français devaient quitter le Vietnam est arrivé. Perdant la bataille de Dien Bien Phu, le gouvernement français a dû signer les accords de Genève et retirer ses troupes du Vietnam et de l’Indochine.
Le 10 octobre 1954, les unités de notre armée ont avancé vers Hanoï pour prendre le contrôle de la ville. Elles ont été accueillies chaleureusement par tous les habitants de Hanoï. Cependant, comme certaines forces étrangères et le gouvernement de Ngo Dinh Diem ont foulé aux pieds les accords de Genève, les élections générales de 1956 ont été annulées et notre pays a été temporairement divisé en deux régions.
En 1958, le Nord a pris la décision de s’orienter vers le socialisme. Afin de construire les infrastructures pour la période de transition, notre État a préconisé la politique de « mettre tout en œuvre pour développer l'agriculture et l'industrie légère, et donner la priorité au développement de l'industrie lourde de manière raisonnable ». À la frontière du Nord, une usine d'apatite a été construite dans la province de Lao Cai, et un complexe sidérurgique dans la province de Thai Nguyen. Dans la ville de Viet Tri, se trouvait un parc industriel qui abritait plusieurs usines chimiques. En bas du delta du fleuve rouge, se trouvaient l'usine sucrière Van Diem et l'usine de textile Nam Dinh.
Pourtant, Hanoï s’est fixée pour objectif de devenir le centre industriel du Nord. Après avoir visité l'exposition sur la planification du développement économique de Hanoï en novembre 1959, le Président Hô Chi Minh a déclaré : « Hanoï doit accélérer son développement socio-économique pour rendre fier notre peuple et pour montrer au monde que Hanoï mérite d’être la capitale d'un pays socialiste ».
Durant la période 1945 – 1954, Hanoï ne couvrait qu’une superficie de 150 km2. En 1961, l'Assemblée nationale du Vietnam de la IIe législature a approuvé une résolution sur l’ajustement des limites administratives de la capitale afin de faciliter la construction des usines et entreprises. En vertu de cette résolution, de nombreuses communes de banlieue ont été fusionnées dans la zone de centre-ville, tandis que les communes des provinces de Ha Dong et de Bac Ninh sont devenues des districts suburbains de Hanoï.
Depuis 1958, Hanoï s’est transformée en un grand chantier de construction. Une série d’usines ont été construites dans les zones suburbaines : des moulins à farine et des abattoirs à Luong Yen, au sud-est, ou encore l'usine mécanique Mai Dong, la confiserie Hai Ha, l'usine de fruits d'exportation et l'usine de textile 8 mars, au sud. Située dans la rue Minh Khai, l'usine de textile 8 mars, qui était la plus grande usine de Hanoï à cette époque-là, a été mise en chantier en 1960 et a ouvert ses portes en 1965.
Restauration de la centrale électrique de Yen Phu après les bombardements aériens des États-Unis. Photo : EVN Culture.
Restauration de la centrale électrique de Yen Phu après les bombardements aériens des États-Unis. Photo : EVN Culture.
La brasserie Hommel, prédécesseur de la société de bière Habeco.
La brasserie Hommel, prédécesseur de la société de bière Habeco.
Le Président Hô Chi Minh visite l’usine d’ampoules électriques et de thermos Rang Dong, le 28 avril 1964 à Hanoï.
Le Président Hô Chi Minh visite l’usine d’ampoules électriques et de thermos Rang Dong, le 28 avril 1964 à Hanoï.
À l'ouest, dans la rue Nguyen Trai, se trouvaient l’usine de tabac Thang Long, l’usine de caoutchouc Sao Vang, l’usine de savon Hanoï et l’usines d'ampoules électriques et de thermos Rang Dong. Près du pont Cau Moi, se situait l'usine mécanique Hanoï (ou encore appelée usine d'outils mécaniques numéro 1), qui a été inaugurée en 1958 avec plus d'un millier d'ouvriers. Un grand logement a été construit en face de cette usine pour que les ouvriers pouvaient rentrer rapidement chez eux après avoir fini leur travail. Toujours dans la rue Nguyen Trai, se trouvait l'usine de chaussures militaires, qui s’est transformée en usine de caoutchouc Thuy Khue en 1961, puis en usine de chaussures en tissu Thuong Dinh en 1978.
En 1961, l’usine de béton préfabriqué de Hanoï et l’usine de fabrication de transformateurs ont été inaugurées respectivement dans le village de Chem et dans la rue Tran Nguyen Han. En 1962, l’usine mécanique Quang Trung a été construite dans la rue Giai Phong. Outre la construction de nouveaux établissements de production industrielle, nous avons rétabli la production dans de nombreuses usines étatiques dont les propriétaires étaient autrefois des Français, telles que : l'usine de réparation automobile Aviat (nouvellement connue sous le nom de l’usine automobile Ngo Gia Tu, dans la rue Phan Chu Trinh), l’usine mécanique Dong Thap dans la rue Hang Tre, l’usines de tannage du cuir dans la rue Thuy Khue, ou encore l’usine de textile Dong Xuan dans la rue Ngo Thi Nham – Hoa Ma. Ces usines ont fonctionné avec de nouvelles méthodes de gestion.
En 1957, sur les anciennes fondations d’une usine d'allumettes, au bout de la rue Ba Trieu, l'usine mécanique Tran Hung Dao a été construite et était devenue « oiseau à la tête » de l'industrie mécanique du Vietnam. Ensuite, l'usine de papeterie Hong Ha a été créée dans la rue Ly Thuong Kiet, avec les produits les plus connus comme l'encre Cuu Long, les stylos-plume Truong Son et les papiers à lettres. À côté des grandes usines, une série d'entreprises ont également été fondées, à savoir : entreprise de papier et de pétard Truc Bach, entreprise de produits plastiques dans la rue Hai Ba Trung, etc.
Le Président Hô Chi Minh visite l’usine d’allumettes Thong Nhat, le 16 août 1956 à Hanoï.
Le Président Hô Chi Minh visite l’usine d’allumettes Thong Nhat, le 16 août 1956 à Hanoï.
Le Président Hô Chi Minh visite l’usine de fabrication de caoutchouc, de savon et de tabac de Hanoï pour examiner la qualité des collations des ouvriers, le 26 janvier 1961. (Photo : hochiminh.vn)
Le Président Hô Chi Minh visite l’usine de fabrication de caoutchouc, de savon et de tabac de Hanoï pour examiner la qualité des collations des ouvriers, le 26 janvier 1961. (Photo : hochiminh.vn)
Durant les deux périodes de combat contre la campagne de bombardements aériens intensifs menée par la force aérienne des États-Unis (de 1965 à 1968, et d’avril 1972 à décembre 1972), Hanoï a toujours maintenu ses activités de production. Fin 1964, l'entreprise de réparation automobile 3-2 a été inaugurée. En 1965, l'usine de confiserie Hai Chau est entrée en production. En 1968, l'usine de nouilles Chua Boc a été fondée. En 1970, l’usine électromécanique Thong Nhat dans la rue Nguyen Duc Canh est entrée en activité. Après que les États-Unis ont signé l’Accord de Paris et ont dû retirer leurs troupes du Vietnam en 1973, de nouvelles usines ont vu le jour à Hanoï. En 1974, l'usine de billes de roulements, de chaînes et de cassettes de vélos dans le district de Dong Anh et l'usine de fibres Minh Khai sont entrées en fonction.
Entre 1954 et 1975, l’année de la libération du Sud et de l'unification du pays, Hanoï comptait 36 grandes usines et plusieurs dizaines d'entreprises avec des dizaines de milliers d’ouvriers. D’une ville de consommation, Hanoï est devenue le centre industriel du Nord, les rues de Hanoï étaient couvertes par le bleu, la couleur des chemises des ouvriers. La nuit, de nombreux ouvriers se rendaient à vélo pour le travail de nuit. Ils ne devaient pas travailler dur pour faire gagner de l’argent aux capitalistes, mais pour soutenir leurs compatriotes du Sud. Hanoï est devenue un point d’appui et une foi ferme pour la guerre de résistance contre l’impérialisme américain et l’œuvre de construction du socialisme.
Après 1975, des usines, des ateliers et des établissements de production industrielle ont été progressivement déplacés vers les banlieues, dans le but de réduire la pollution de l'environnement et de libérer des terres et des espaces pour le développement de Hanoï en une capitale civilisée et moderne, un centre politique, économique et culturel du pays. On peut dire que, durant la période 1954 – 1975, Hanoï – « ville des ouvriers » a rempli avec succès ses tâches de construction du socialisme au Nord et de soutien à la population du Sud dans la lutte contre les envahisseurs et pour la réunification du pays.
De nos jours, de nombreuses usines ont été démolies et remplacées par des gratte-ciel et des centres commerciaux. Certains subsistent encore, notamment ceux construits au début du XXe siècle. Il vaut mieux de rénover ces ouvrages pour en faire un patrimoine industriel et un produit de l'industrie culturelle.
Publication : le 10 octobre 2024
Réalisation : Huu Viet
Contenu : Chercheur Nguyen Ngoc Tien
Dessin : Diec Huong
Photos : hochiminh.vn, Centre national des archives no 3 - Département d’État de gestion des documents et des archives, EVN Culture, Habeco