Les voyages pour guérir les blessures de la guerre

Le vétéran americain Steve Edmunds (2e, à gauche) et les vétérans vietnamiens du Régiment 209 retourne dans l'ancien champ de bataille pour chercher des ossements. Photo : Duc Binh.

Le vétéran americain Steve Edmunds (2e, à gauche) et les vétérans vietnamiens du Régiment 209 retourne dans l'ancien champ de bataille pour chercher des ossements. Photo : Duc Binh.

En mai 1968, Steve Edmunds a quitté l’armée et est rentré chez lui. Il a essayé d’oublier les souvenirs douloureux et de vivre une vie normale, mais il n’y est pas arrivé.

Steve a toujours été hanté par des cauchemars de guerre. Pour traverser les nuits interminables, Steve s’est réfugié dans l’alcool et la drogue. Finalement, en novembre 1978, après deux mariages ratés, il décida de mettre fin à ses jours avec une arme à feu, mais heureusement il rata son suicide. L’image de sa fille de sept ans - Michele lui était apparue dans son esprit.

Il a laissé tomber son arme et a appelé un ami. L’ami lui a parlé d’une émission animée par John Hart de NBC News sur les problèmes auxquels étaient confrontés les vétérans de la guerre du Vietnam et l’aide dont ils avaient besoin. Le lendemain, Steve a téléphoné au bureau de John Hart à New York…

Neuf mois avant de retourner au Vietnam pour la première fois, Steve a reçu une proposition de l’organisation Point Man pour rejoindre le programme visant à ramener les anciens soldats américains au Vietnam pour soigner leur traumatisme psychologique.

C’était la bonne décision qui a changé ma vie
A déclaré Steve

En septembre 1996, Steve est retourné au Vietnam après 28 ans, commençant son voyage pour trouver la paix dans son esprit et son cœur. Il est allé voir les malades de la lèpre dans le village des lépreux de Ben San (dans la province de Binh Duong), les enfants de l’orphelinat, les personnes vivant dans la rue, pour exprimer son amour et sa compassion, fournir de la nourriture, des vêtements, des fournitures médicales et construire des écoles.
Steve Edmunds est né en 1945, il vit à Los Angeles, Californie, États-Unis. Il a combattu au Vietnam de décembre 1966 à mai 1968.

Un retour au Vietnam en 1996 a aidé Steve à obtenir le pardon de ceux qui le considéraient autrefois comme un ennemi. Un an plus tard, il a décidé de se rendre à Hanoï, où l’armée américaine a largué plus de 36 000 tonnes de bombes en décembre 1972, pour se réconcilier avec son ancien ennemi et avec son passé amer.
Le camion transportant du riz et du lait s’est arrêté dans un village. Steve s’est approché de la cabane où logeait une famille, avec des sacs de riz et des cartons de lait. « Devant eux, j’étais sans voix, les larmes coulant sur mon visage. Nous étions ici dans un pays communiste, et nous avons rencontré des gens dont le cœur était rempli de pardon et d’amour », a confié Steve Edmunds.

Rencontre amicale entre les vétérans americains et vietnamiens dans la Maison des Traditions du Journal Nhân Dân. Photo : Duy Linh.

Rencontre amicale entre les vétérans americains et vietnamiens dans la Maison des Traditions du Journal Nhân Dân. Photo : Duy Linh.

Un après-midi de fin d’automne à Hanoï, le vieux vétéran américain entra lentement au siège du journal Nhân Dân. Il a aperçu des amis qui l’attendaient sous le vieux banian. C’étaient les anciens soldats du régiment 209, qui étaient ses adversaires directs dans les batailles sur le champ de bataille de Tây Nguyên (Hauts Plateaux du Centre) il y a 55 ans, maintenant ils se retrouvaient pour être amis. La joie était évidente dans les yeux, les sourires, les gestes chaleureux, les salutations amicales et les poignées de main fermes.

Nous étions le 8 novembre 2022. Nous avons accueilli un grand invité aux cheveux gris qui venait de faire un vol de l’autre bout du monde jusqu’à Hanoï. Steve Edmunds, directeur de projet et coordinateur des efforts humanitaires des vétérans américains au Vietnam, âgé de 77 ans, avait subi trois interventions chirurgicales, et devait porter un stimulateur cardiaque, ses pas étaient difficiles et lourds.

Mais le Vietnam est le dernier endroit sur terre où je veux retourner
A déclaré Steve

La réunion a débuté par une visite de la maison des traditions, en regardant un documentaire sur l’histoire et le développement du journal Nhân Dân. L’ambiance chaleureuse et conviviale a rapidement comblé la méconnaissance de la langue, de la culture et surtout les complexes des vétérans américains.

Dans les bagages de Steve lors de ce retour, il y avait un carnet d’un soldat tombé le 23 juillet 1967 à Plei Ya Bo, dans la province de Gia Lai, que son chef de peloton Clay Andrews avait pris sur son corps et gardé depuis 55 ans. Steve était chargé de le remettre aux proches du martyr.

Il y a 14 ans, aussi un après-midi d’automne à Hanoï, Steve a rencontré pour la première fois son ancien ennemi Pham Van Chuc, qui est venu le chercher à l’aéroport de Nôi Bài.

Nous nous sommes reconnus, nous avons marché l’un vers l’autre, nous nous sommes pris dans les bras, nous nous sommes dit : dans le passé, nous étions ennemis, maintenant nous sommes amis
A raconté Steve

Avant cela, en mars 2009, Steve a reçu un e-mail de Chuc lui demandant de l’aider à retrouver les tombes de ses camarades tombés à Chu Tan Kra, dans la province de Kon Tum, lors de la bataille du 26 mars 1968. Bien qu’il n’ait pas participé à cette bataille, Steve a immédiatement accepté, car il pensait que c’était l’occasion de corriger ses erreurs du passé.

Steve a contacté ceux qui avaient combattu pendant la guerre pour recueillir des informations. Quelques jours plus tard, il a envoyé à Pham Van Chuc le compte rendu de la bataille du FSB 14, mars 1968, de la 4e division d’infanterie américaine.

Selon le compte rendu, 134 corps ont été enterrés dans trois cratères de bombes près du quartier général de la base américaine. Près de deux mois plus tard, il a appris de Chuc que les restes de 15 martyrs avaient été retrouvés dans une fosse commune.

En octobre 2009, Steve est retourné au Vietnam, emportant avec lui le plan du champ de bataille, des photos et des papiers recueillis sur les corps des soldats et des photos documentaires prises sur le champ de bataille. Grâce à ces informations, les officiers du régiment 209 en coordination avec l’équipe du district de Sa Thay (Kon Tum) ont retrouvé 81 restes de martyrs.

En novembre 2016, Steve a persuadé deux vétérans américains, John Cimino et Terry Faulkner, de retourner à Kon Tum avec les vétérans du régiment vietnamien pour traverser les montagnes et rechercher les restes de leurs camarades.

À cette occasion également, John Cimino a remis le portefeuille de Hoang Quang Loi, soldat tombé du régiment 209, qu’il avait conservé pendant près de 50 ans.

C’est une histoire qui suscite une réflexion profonde et qui me donne vraiment de l’espoir pour l’humanité. C’est formidable de voir de vieux ennemis se prendre dans les bras pour adoucir les blessures passées et nouer des amitiés incroyables. Cela nous mène vers un bon avenir. Je suis vraiment heureux de voir ça 
Observant les voyages de Steve, Mike Dineen, un vétéran américain qui a servi au Vietnam, a déclaré

Dans le voyage pour guérir les blessures de la guerre, Steve et les vétérans du régiment 209 - des soldats qui se trouvaient des deux côtés des lignes de front - sont devenus des amis proches.

Plus de 50 ans se sont écoulés, bien qu’ils soient au crépuscule de la vie, les sentiments humains les ont poussés à se retrouver. C’est l’humanité et le respect des deux côtés qui favorisent la réconciliation entre les deux peuples vietnamiens et américains, pour travailler ensemble vers un avenir meilleur.

Réalisation & Dessin : Nhân Dân en ligne