Un tournant historique dans la lutte contre la cybercriminalité

À l’ère du numérique, alors que plus de la moitié de la population mondiale évolue en ligne, les bénéfices de la technologie vont de pair avec des risques inédits.

La cybercriminalité n’est plus un concept lointain : elle est devenue une « menace réelle » dans le « cyberespace », causant des pertes économiques se chiffrant en milliers de milliards de dollars chaque année, menaçant la sécurité nationale, la stabilité sociale et la confiance des citoyens dans la transformation numérique.

Face à cette réalité, l’Organisation des Nations Unies (ONU) ont adopté la Convention contre la cybercriminalité, marquant une avancée historique dans la construction d’un bouclier juridique mondial, avec la participation active et responsable du Vietnam.

Une menace tangible dans l’espace virtuel

Selon les statistiques publiées par l’ONU, en 2024, plus de 60 % de la population mondiale utilisait l’internet, élargissant l’espace numérique à un rythme sans précédent.

Cette connectivité accrue ouvre de nouvelles opportunités de développement, mais elle amplifie également les risques en matière de cybersécurité, les menaces évoluant au rythme des avancées scientifiques et technologiques.

Les pertes imputées à la cybercriminalité sont aujourd’hui estimées à plusieurs milliers de milliards de dollars chaque année.

Photo: Shutterstock

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Le 15 octobre 2025, Borge Brende, président du Forum économique mondial (WEF), a alerté que cette criminalité mondiale génère entre 2 000 et 3 000 milliards de dollars de dégâts par an, soit près de 3 % du PIB mondial.

Il a souligné que la sophistication croissante des menaces cybernétiques affecte directement la stabilité économique ainsi que la confiance dans les processus de transformation digitale. 

Le Rapport officiel sur la cybercriminalité 2025 publié par Cybersecurity Ventures – une source de données et de statistiques de référence dans le domaine de la cybersécurité – met en lumière des chiffres alarmants : les pertes mondiales dues à la cybercriminalité devraient atteindre 10 500 milliards de dollars américains cette année.42

Pour illustrer l’ampleur du phénomène, le rapport souligne que si « l’économie de la cybercriminalité » était considérée comme un pays, elle deviendrait la troisième économie mondiale, juste derrière les États-Unis et la Chine.

D’ici 2031, les dommages causés par la cybercriminalité pourraient s’élever à 1 000 milliards de dollars par mois, contre environ 1 000 milliards de dollars par an en 2020.

Cybersecurity Ventures avertit qu’il s’agit là du plus grand transfert de richesses économiques de l’histoire, menaçant directement les moteurs de l’innovation et de l’investissement, provoquant des pertes dépassant celles des catastrophes naturelles annuelles, et générant des profits supérieurs à l’ensemble du commerce mondial de drogues illicites.

Selon les Nations Unies, la cybercriminalité regroupe diverses infractions classées en deux grandes catégories :

Les crimes facilités par la technologie : il s’agit d’infractions traditionnelles commises dans un environnement en ligne, telles que le trafic illicite, la fraude, ou encore l’incitation à la violence et à la haine.

Les crimes dépendant de la technologie : ce sont des actes commis grâce à l’utilisation d’équipements informatiques et de communication, tels que l’hameçonnage, le vol d’identité, ou encore la diffusion de logiciels malveillants et de rançongiciels.

Les auteurs de ces infractions peuvent être des individus isolés ou des organisations criminelles structurées. Tous exploitent l’anonymat et l’accessibilité du cyberespace pour mener leurs activités illégales. 

Ces formes de criminalité dépassent toutes les frontières géographiques, visant les systèmes, les réseaux et les individus avec une vitesse et un degré de sophistication sans précédent.

Elles vont des attaques massives contre la sécurité nationale, telles que l’espionnage informatique ou les attaques par déni de service (DDoS), jusqu’aux actes de harcèlement ciblé dirigés contre les groupes les plus vulnérables de la société.

Les pays en développement, souvent dépourvus d’infrastructures solides en matière de cybersécurité, sont particulièrement exposés aux attaques.

La faible sensibilisation aux risques numériques, conjuguée à des ressources limitées, rend les populations victimes des fraudes en ligne, du vol d’identité ou de la diffusion de fausses informations.

Situé dans la région Asie–Pacifique, où l’espace numérique se développe à un rythme rapide et dynamique, le Vietnam connaît une forte expansion de l’usage des technologies de l’information, des télécommunications et d’internet dans tous les domaines.

Ce processus contribue à accroître la productivité, renforcer la compétitivité et stimuler le développement socioéconomique national.

Début 2025, le Vietnam compte environ 80 millions d’internautes, soit 81 % de la population, et 73,7 millions d’utilisateurs de réseaux sociaux, représentant près de 74,3 % de la population.

Cependant, si cette évolution technologique ouvre d’importantes perspectives de croissance, elle engendre également de nouveaux défis en matière de cybersécurité.

Les cybercrimes et les infractions liées aux hautes technologies au Vietnam connaissent une hausse préoccupante, avec des méthodes de plus en plus complexes. Les auteurs de ces crimes sont de nature très diverse : des groupes criminels internationaux ou transnationaux, des cybercriminels étrangers opérant en connivence avec des complices locaux, mais aussi de nouveaux collectifs spécialisés dans les technologies avancées, dotés de compétences techniques sophistiquées et responsables de conséquences particulièrement graves.

Da Nang (au Centre du Vietnam) démantèle un réseau criminel utilisant le cyberespace pour s'approprier des biens en juin 2025. Photo : VNA.

Da Nang (au Centre du Vietnam) démantèle un réseau criminel utilisant le cyberespace pour s'approprier des biens en juin 2025. Photo : VNA.

La réalité démontre que les menaces de sécurité traditionnelles et non traditionnelles sont toujours présentes, menaçant la sécurité et la souveraineté de chaque nation.

Parmi elles, la cybercriminalité émerge comme un défi particulièrement dangereux, impactant directement la sécurité de tous les pays du monde. Pour répondre efficacement à ces défis de nature mondiale, il est essentiel de mettre en place une solution synchrone aux niveaux national et international, en mobilisant la force globale de l'ensemble de la population et en encourageant la coopération multilatérale.

Dans ce contexte, la communauté internationale prend de plus en plus conscience de l'importance de la coopération mondiale pour faire face aux défis de cybersécurité.

Un consensus s'est dégagé sur la nécessité d'un cadre juridique multilatéral pour la prévention et la lutte contre la cybercriminalité.

Depuis 2019, l’ONU – la plus grande organisation multilatérale au monde – ont lancé l'élaboration de la Convention sur la lutte contre la cybercriminalité – le premier instrument juridique international sur la criminalité transnationale adopté sous l'égide des Nations Unies après 20 ans.

Cette Convention offre aux États un cadre juridique multilatéral complet pour prévenir et combattre la cybercriminalité.

Le bouclier juridique mondial

Le 26 mai 2021, sur la base de la première réunion sur les travaux d’organisation de l’AHC, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 75/282 autorisant ce groupe à convoquer des réunions de discussion et de négociation autour d’un projet de convention.

Après plusieurs reports dus à la pandémie de Covid-19, et malgré des débats persistants entre les États membres concernant le calendrier, le lieu et le format des sessions, le processus de négociation a officiellement débuté lors de la première session tenue du 28 février au 11 mars 2022 à New York (États-Unis), avec pour objectif de définir les modalités des sessions suivantes.

Vue d’ensemble de la session d’adoption de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la cybercriminalité, le 24 décembre 2024. Photo : VNA.

Vue d’ensemble de la session d’adoption de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la cybercriminalité, le 24 décembre 2024. Photo : VNA.

Dès le départ, le Vietnam a soutenu activement cette initiative majeure des Nations Unies.

De 2022 à 2024, mandatée par le Président de la République, la délégation interministérielle du gouvernement vietnamien, composée principalement du ministère de la Sécurité publique et du ministère des Affaires étrangères, avec la participation d’autres organismes concernés, a pris part de manière proactive et complète aux huit cycles de négociation de la Convention.
Le 24 décembre 2024, l’Assemblée générale des Nations Unies a officiellement adopté la Convention sur la lutte contre la cybercriminalité.

Cette Convention des Nations Unies sur la lutte contre la cybercriminalité comprend neuf chapitres et soixante et onze articles.

Elle propose une approche globale visant à prévenir et à combattre la criminalité informatique mondiale, tout en garantissant le respect des principes relatifs aux droits humains.

Ce texte s’attache à répondre aux défis techniques et juridiques en adaptant les méthodes traditionnelles d’enquête pénale à l’environnement des technologies de l’information et de la communication, tout en renforçant la coopération internationale.

Cinq raisons pour lesquelles la Convention des Nations unies sur la lutte contre la cybercriminalité revêt une importance majeure

1. Un nouvel outil face à une menace croissante

Les cybercriminels exploitent les systèmes numériques à travers des logiciels malveillants, des rançongiciels et des attaques informatiques afin de dérober de l’argent, des données ou d’autres informations de valeur.

Ils recourent également aux technologies de l’information et de la communication pour commettre d’autres infractions telles que le trafic de drogue, d’armes ou d’êtres humains, le blanchiment d’argent ou la fraude.

Cette menace, en constante expansion, fragilise l’économie mondiale, perturbe les infrastructures essentielles et érode la confiance dans l’univers numérique.

Avant cette convention, le monde ne disposait d’aucun outil juridique universel pour faire face à la cybercriminalité.

Désormais, avec la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la cybercriminalité, les réponses face à ce type de délit seront plus rapides, mieux coordonnées et plus efficaces.

2. Une coopération permanente

La Convention définit clairement les règles d’accès et d’échange des données électroniques, afin de faciliter les enquêtes et les poursuites judiciaires. Les États parties seront connectés à un réseau de coopération permanente, permettant d’accélérer et de renforcer la coordination internationale lorsque cela s’avère nécessaire.

Outre le partage de preuves électroniques, les pays pourront recourir à ce réseau pour solliciter une assistance en matière d’enquête, de poursuite, de vérification, de gel, de confiscation et de restitution des avoirs criminels, ainsi que pour la mise en œuvre de l’entraide judiciaire et de l’extradition des délinquants.

3. Protection des enfants

Les réseaux sociaux, les applications de messagerie et les jeux en ligne offrent souvent un anonymat propice aux individus malintentionnés, leur permettant de manipuler, de tromper ou de contraindre les enfants à se retrouver dans des situations préjudiciables. 

La Convention est le premier accord mondial visant à protéger les enfants contre les violences sexuelles commises au moyen des technologies de l’information et de la communication.

En criminalisant les actes liés à l’exploitation sexuelle des enfants dans le cyberespace, la Convention offre aux gouvernements un instrument juridique plus solide pour protéger les enfants contre les dangers en ligne. 

4. Répondre aux besoins des victimes

Toute personne, où qu’elle se trouve dans le monde, peut devenir victime de la cybercriminalité, et chaque victime doit être soutenue.

La Convention encourage les États parties à venir en aide et à protéger les victimes, en veillant à ce qu’elles puissent bénéficier de diverses formes d’assistance, telles que la réhabilitation physique, l’indemnisation des dommages, la restitution des biens et la suppression des contenus illicites.

Ce soutien et cette protection seront mis en œuvre conformément à la législation nationale de chaque pays, en tenant compte de leur contexte et de leur système juridique. 

5. Renforcer la prévention

Il ne suffit pas de réagir après la commission d’infractions. Pour lutter efficacement contre la cybercriminalité, il est essentiel d’investir massivement dans la prévention.

C’est pourquoi la Convention appelle les États parties à élaborer et à mettre en œuvre des mesures préventives visant à réduire et à maîtriser les risques et les menaces liés à la cybercriminalité.

Ces mesures comprennent notamment : la formation et le renforcement des capacités dans les secteurs public et privé, la mise en place de programmes de réinsertion pour les délinquants, ainsi que des dispositifs d’aide aux victimes et d’autres actions destinées à renforcer la résilience face à la cybercriminalité.

(Selon l’ONU)

Prenant la parole devant les journalistes au sujet du processus de négociation de la Convention, le vice-ministre Dang Hoang Giang, diplomate et chef de la délégation de négociation du Vietnam, a indiqué que le premier avantage fondamental résidait dans le fait que la plupart des pays reconnaissent clairement le rôle de la coopération multilatérale et de la coopération mondiale, avec les Nations Unies en tant que centre, dans la résolution des défis mondiaux.

Bien que la coopération multilatérale soit aujourd’hui confrontée à de nombreux obstacles, l’adoption par consensus de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la criminalité informatique témoigne de la bonne volonté et de la détermination des États à promouvoir le multilatéralisme.

Cela constitue une base essentielle permettant aux pays de tendre vers une solution commune et de bâtir un cadre juridique partagé dans la lutte contre la criminalité informatique.

Le deuxième avantage tient au fait qu’à l’intérieur du pays, le Vietnam met activement en œuvre sa stratégie de transformation numérique, d’application des sciences et des technologies et de promotion de l’innovation.

La sécurité du cyberespace et la lutte contre la cybercriminalité retiennent ainsi toute l’attention du Parti et de l’État.

Les grandes stratégies nationales en matière d’intégration internationale et de réponse aux défis de sécurité non traditionnels ont créé des conditions favorables pour que le Vietnam renforce la coopération internationale dans le domaine de la cybersécurité.

Le secrétaire général du Parti communiste du Vietnam To Lam et le Premier ministre Pham Minh Chinh visitent l’exposition sur l’innovation, organisée dans le cadre de la Journée nationale de l’innovation 2025, le 1er octobre 2025. Photo : Journal Nhân Dân.

Le secrétaire général du Parti communiste du Vietnam To Lam et le Premier ministre Pham Minh Chinh visitent l’exposition sur l’innovation, organisée dans le cadre de la Journée nationale de l’innovation 2025, le 1er octobre 2025. Photo : Journal Nhân Dân.

Cependant, le processus de négociation n’a pas été exempt de difficultés.

Avant tout, la rivalité stratégique entre les pays, notamment entre les grandes puissances, a constitué un obstacle majeur à la coopération multilatérale, tant au sein du cadre des Nations Unies que dans de nombreux autres forums internationaux. 

Ce n’est qu’aux toutes dernières minutes du processus de négociation que la Convention a finalement été adoptée, grâce à la bonne volonté et à la détermination résolue des États participants.

Les difficultés ont ensuite surgi des divergences entre les systèmes juridiques et les traditions culturelles, chaque pays ayant ses propres valeurs, sa vision et son cadre législatif.

Réconcilier ces différences exige de grands efforts, une persévérance constante et une détermination commune de la part de toutes les parties.

Ce n’est qu’en surmontant ces obstacles que les pays ont pu parvenir à un consensus ouvrant la voie à l’élaboration d’un instrument juridique international d’une portée et d’une signification exceptionnelles : la Convention des Nations unies sur la lutte contre la cybercriminalité.

Le représentant de la délégation vietnamienne prend la parole lors de l’évènement consacré à l’adoption de la Convention. Photo : VNA

Le représentant de la délégation vietnamienne prend la parole lors de l’évènement consacré à l’adoption de la Convention. Photo : VNA

Dans le but de renforcer sa diplomatie multilatérale, le Vietnam s’emploie à participer activement à la définition des cadres juridiques internationaux, afin de préserver au mieux ses intérêts nationaux.

Le pays a joué un rôle central dans la coordination des négociations de plusieurs dispositions clés et a contribué à inscrire dans la Convention des principes fondamentaux garantissant les intérêts communs de tous les États dans la coopération contre la cybercriminalité, notamment le respect de la souveraineté et de l’indépendance nationales, la non-ingérence dans les affaires intérieures et le respect du droit international.

Les contributions actives et constructives du Vietnam ont été hautement saluées par la communauté internationale. Nous pouvons affirmer qu’à présent, nous disposons d’une convention complète, pleinement conforme aux intérêts nationaux et au cadre juridique du Vietnam.
A souligné le vice-ministre Dang Hoang Giang

Publication : le 23 octobre 2025
Organisation : Truong Son & Nam Dong
Contenu & Dessin : Hoang Ha