Traverser le pays des rêves Tây Nguyên

Suivant les marches couvertes de mousse glissante, je suis monté au sommet de la montagne, où se trouve la borne de délimitation de la souveraineté territoriale des trois pays, le repère que nous avons l'habitude d'appeler le carrefour de l'Indochine...

La borne de la souveraineté est située à 1 086 mètres d'altitude, dont l'azimut projette plus de deux kilomètres en direction des trois pays avec seulement des montagnes qui se chevauchent. 

Cet endroit relève de la province de Kon Tum du Vietnam (dans les Hauts Plateaux du Centre, Tây Nguyên), de la province d'Attapeu du Laos et de la province de Ratanakiri du Cambodge. Il n'y a guère d'endroit comme celui-ci, il suffit de tourner autour d'une borne de pierre pour mettre le pied sur le territoire des trois pays. 

Quand on parle du Tây Nguyên, on pense aux sommets des montagnes, à la borne frontière, marquée par des exploits des guerres pour protéger le pays. 

Les montagnes, les rivières et les ruisseaux de cet endroit résultaient de millions d'années de création. Selon les habitants du Tây Nguyên, plus la montagne est haute, plus la rivière est profonde et plus il y a des rapides, plus les esprits sont magiques et mystérieux. 

Les montagnes et les rivières des hauts plateaux du centre existent non seulement en tant qu'indicateurs géographiques, mais aussi en tant que l'âme sacrée du pays. 

Les trois chaînes de montagnes de Chu Yang Sin, Bidoup et Ngok Linh se dressent comme trois toits au milieu de montagnes majestueuses, créant une position solide, symbole de l'esprit de loyauté et de fierté. De grandes rivières telles que Krông Nô, Krông Ana, Sêrêpok, Sê San, Dông Nai, proviennent de hautes montagnes, se glissent à travers les forêts et les villages, transportant des sédiments, une valeur historique et culturelle.

Photo : Nhân Dân

Photo : Nhân Dân

Photo : Uong Thai Biêu

Photo : Uong Thai Biêu

Ayant parcouru pendant de nombreuses années cette région de grandes forêts, je me demande toujours, quelles sont les dimensions des hauts plateaux du centre ? Sont-elles mesurées par des hautes montagnes, des rivières profondes, des forêts mystérieuses, des savanes immenses, des valeurs culturelles profondes ou des millions d'années de sédiments tectoniques ?

En effet, il est difficile de quantifier par des images existantes. Des hautes ou basses montagnes, grandes ou petites rivières partagent toutes une source commune en amont. Ces villages sur les hauts plateaux du Centre ont presque les mêmes racines fraternelles. 

Les groupes ethniques de cette région des hautes terres, bien que très peu nombreux comme les Brâu, les Rơ Măm ou peuplés comme les Êdê et les Ba Na, partagent la même langue ou l'espace de résidence, ont les mêmes rythmes communautaires, et le même feu sacré chaleureux et original…

Tây Nguyên est toujours un pays de rêve. Au pied de la majestueuse chaîne de montagnes Truong Son, les frères et sœurs s’unissent pour créer l'histoire de la fière terre. C'est un flux de souvenirs brillants à travers des milliers d'années de construction. C'est la fermeté, le courage comme les montagnes, comme l'eau dans de longues batailles pour défendre le pays. 

Depuis les temps primitifs, au prix de leur sang et sueur, les habitants des hauts plateaux du centre ont lutté pendant des générations contre d'innombrables difficultés et ennemis et ils ont surmonté, gagné et sont devenus les maitres de la grande futaie.

Photo : Nhân Dân

Photo : Nhân Dân

Avez-vous compris quelque peu sur les hauts plateaux du centre ?

Le célèbre ethnographe français Jacques Dournes, s'est plongé presque toute sa vie dans la culture des hauts plateaux du centre. 

Pour la première fois, J. Dournes est venu vivre près de dix ans au Tây Nguyên, en tant que missionnaire, mais s'intéressant aux études culturelles et négligeant sa mission pastorale, il a été convoqué en France en 1954. Pour la deuxième fois, il est revenu au Tây Nguyên et y est resté plus de dix ans, et il était un véritable ethnographe jusqu'à ce qu'il soit contraint de quitter le Vietnam en 1970. J. Dournes a passé un quart de siècle de sa vie avec les Cơ Ho sur le plateau Djiring et les Gia Rai en aval de la rivière Ba. 

Venant au Tây Nguyên avec sa responsabilité missionnaire, la culture des hauts plateaux du centre l'a conquis. Ce prêtre s’est converti pour suivre les croyances des ethnies du Tây Nguyên, recherchant des sources culturelles. Vivant dans la forêt ou dans une maison sur pilotis, J. Dournes a fait de grands travaux de recherche servant de fondements pour ceux qui recherchent l'ethnologie dans les Hauts Plateaux du Centre. 

L’anthropologue J. Dournes a laissées des ouvrages de recherche exemplaires dans le processus de conquête du Tây Nguyên, ou plutôt c’est cette terre du Tây Nguyên qui l'a conquis. 

Je n'ose pas me comparer avec J. Dournes, je suis juste une personne ordinaire qui a eu l'occasion de « voyager à travers le pays des rêves des hauts plateaux du centre » mais qui est tombée amoureuse de cette terre.

Les dimensions des Hauts Plateaux du Centre seront mesurées par quelle image ?

Je suis revenu dans l'après-midi pluvieux au coin de la forêt sur les trois frontières. J’ai parlé avec le capitaine A Hung, issu de l'ethnie Giẻ Triêng (province de Kon Tum), et avec le soldat de première classe Vi Van Nghiêu, issu de l’ethnie Mường. 

En ce moment je ressens que la dimension du Tây Nguyên est mesurée par l'amour des soldats à la frontière pour le pays lorsque nous évoquions la mission sacrée des gardiens de la terre et la mémoire du sampan de l’héro A Sanh sur la rivière Pô Cô, qui transportait des troupes au combat dans le passé. 

Cet après-midi également, je me suis assis avec la cheffe nonagénaire du village de Đắk Mế, issue de l'ethnie Brâu, Ypan. 

Elle m'a parlé de son ethnie, de l'histoire de survie et de la culture d'un groupe ethnique avec seulement 322 personnes. Il s'avère que la dimension des hauts plateaux du centre est la plus concrète, la plus simple mais la plus sacrée. Ce sont une borne frontalière, de vieux arbres dans la forêt, un rocher escarpé sur les montagnes du pays. Ce sont les gens qui préservent avec persistance la culture ethnique, les braves soldats qui protègent chaque centimètre de leur Patrie...

Elle m'a parlé de son ethnie, de l'histoire de survie et de la culture d'un groupe ethnique avec seulement 322 personnes. Il s'avère que la dimension des hauts plateaux du centre est la plus concrète, la plus simple mais la plus sacrée. Ce sont une borne frontalière, de vieux arbres dans la forêt, un rocher escarpé sur les montagnes du pays. Ce sont les gens qui préservent avec persistance la culture ethnique, les braves soldats qui protègent chaque centimètre de leur Patrie...

Texte & photos : Uông Thai Biêu/NDEL